Nicolas Robine – Avocat

Garantie des salariés (AGS) en cas de procédure collective : La CJUE remet en cause la position française

Introduction :

La garantie des salariés en cas de procédure collective, notamment à travers l’Assurance Garantie des Salaires (AGS), est un sujet crucial dans le contexte professionnel. Récemment, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a remis en question la position française concernant la prise d’acte du salarié pendant une procédure de redressement judiciaire.

Contexte :

L’AGS joue un rôle essentiel en garantissant le paiement des sommes dues aux salariés en cas de rupture de leur contrat de travail lors d’une procédure collective. Cependant, la jurisprudence française restreint cette garantie aux cas où la rupture émane de l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur, excluant ainsi les prises d’acte par les salariés.

Affaire litigieuse :

Un groupe de salariés ayant pris acte de la rupture de leur contrat pendant une procédure de redressement judiciaire s’est retrouvé au cœur d’une affaire. La juridiction prud’homale a jugé la prise d’acte justifiée, assimilant ses effets à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et inscrivant les créances au passif de la liquidation judiciaire.

Contestation de l’AGS :

L’AGS a contesté la garantie, se référant à la jurisprudence nationale limitant la couverture aux ruptures initiées par l’administrateur judiciaire ou le mandataire liquidateur. Une question prioritaire de constitutionnalité avait déjà été rejetée en 2019, invoquant une différence de traitement justifiée par l’objectif de la loi.

Intervention de la CJUE :

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a, néanmoins, saisi la CJUE de quatre questions préjudicielles pour évaluer la conformité de cette interprétation au droit européen, en particulier à la directive “Insolvabilité” nº 2008/94/CE.

Position de la CJUE :

La CJUE a statué sans équivoque, déclarant que la directive 2008/94/CE s’oppose à la réglementation française excluant la couverture des créances des salariés en cas de prise d’acte du contrat par l’employé. Elle souligne que la cessation du contrat résultant de la prise d’acte est due aux manquements de l’employeur et doit donc être assimilée aux ruptures initiées par l’administrateur judiciaire ou le mandataire liquidateur.

Conclusion :

Cette décision de la CJUE remet en cause la position française en matière de garantie des salariés pendant les procédures collectives. Les travailleurs ayant pris acte de la rupture de leur contrat de travail doivent donc être considérés comme éligibles à la garantie de l’AGS, conformément à la directive européenne. Cette évolution impactera certainement la jurisprudence nationale dont l’évolution devra être surveillée avec attention !

Maître Nicolas ROBINE, votre Avocat en droit du travail à Marseille, vous conseille et vous accompagne dans vos questions en matière de droit du travail notamment.