Nicolas Robine – Avocat

Peut-on avoir recours au télétravail à l’étranger sans l’accord de l’employeur ?

Avec l’essor du télétravail, de nombreux salariés se demandent s’ils peuvent travailler depuis l’étranger. Si cette pratique offre flexibilité et opportunités, elle n’est pourtant pas sans risques, tant pour le salarié que pour l’employeur. Une décision récente du Conseil de prud’hommes de Paris a éclairé certaines zones d’ombre, notamment sur le télétravail depuis l’étranger sans l’accord de l’employeur.

Légalement, rien n’interdit à un salarié de télétravailler depuis l’étranger. Cependant, cette possibilité est soumise à certaines conditions, notamment l’accord de l’employeur. Ce dernier a le droit de définir le cadre du télétravail, y compris le lieu à partir duquel il est exercé, en fonction des besoins de l’entreprise et des risques juridiques encourus.

Dans l’affaire récemment jugée par le Conseil de prud’hommes de Paris (Cons. Prud’h. Paris 1-8-2024 n° 21/06451) , une salariée avait obtenu une autorisation temporaire de télétravail depuis le Canada après que son vol retour vers la France avait été annulé. Cette autorisation était limitée dans le temps. Pourtant, la salariée a prolongé son télétravail dans ce pays sans l’accord de son employeur, ce qui a mené à son licenciement pour faute grave.

Le Conseil de Prud’hommes, de façon assez surprenante, s’appuie notamment sur les risques que le télétravail faisait peser sur la Société. Ainsi, il souligne les risques encourus par la société du fait de l’activité de la salariée sur le territoire canadien en indiquant qu’un tel télétravail s’exerçait sans aucune autorisation des autorités canadiennes et en violation des règles sur le règlement général sur la protection des données (RGPD).

Outre ces risques pour l’employeur, le comportement de la salariée a aussi joué un rôle central dans la décision des juges. En effet, elle n’a pas informé son employeur de sa présence prolongée au Canada, n’a pas respecté les demandes de retour sur site et a dissimulé sa situation. Ces manquements contractuels constituent, selon le Conseil de prud’hommes, une rupture de la relation de confiance entre l’employeur et le salarié, justifiant le licenciement pour faute grave.

Cette décision souligne l’importance pour les employeurs d’encadrer strictement les pratiques de télétravail, en particulier lorsqu’il s’agit de télétravail depuis l’étranger. Les entreprises doivent clarifier les conditions dans lesquelles ce type de travail est autorisé, notamment en matière de décalage horaire, d’obligations légales locales et de conformité avec le RGPD. Il est également essentiel de prévoir des mesures pour s’assurer que les salariés puissent revenir rapidement sur site en cas de besoin.

Cependant, cette décision doit être tempérée. Les risques identifiés concernent principalement les situations de télétravail extra européenne où les contraintes juridiques sont plus complexes. En outre, la gravité des faits dans cette affaire spécifique, notamment la dissimulation de la situation par la salariée, semble avoir pesé lourd dans la décision. Il est donc possible que, dans d’autres circonstances, un licenciement pour faute grave ne soit pas toujours retenu.

Dans tous les cas, pour éviter tout litige, employeurs et salariés gagneraient à définir ensemble les règles du télétravail à l’étranger, en prenant en compte les obligations légales et les enjeux spécifiques liés à la protection des données.

En cas de litige, Maître Nicolas ROBINE, Avocat à Marseille en droit du travail, vous accompagne et représente devant les juridictions prud’homales.