Nicolas Robine – Avocat

Palais de justice

La Loi Évin et le maintien de la Garantie Décès en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité

La Loi Évin, du nom de son auteur, le député Claude Évin, adoptée en 1989 en France, est à l’origine d’importantes dispositions réglementaires en matière de protection sociale, notamment en ce qui concerne les assurances collectives. L’article 7-1 de cette loi mérite une attention particulière, car il traite du maintien de la garantie décès, même en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité, lorsque le contrat collectif de prévoyance est résilié.

Le cas récent qui a été porté devant les tribunaux offre un éclairage précieux sur l’application de cet article.

Un salarié, en l’occurrence, a été en arrêt maladie depuis le 10 juin 2011 jusqu’à son décès le 28 octobre 2013. Ses ayants droit ont alors demandé à bénéficier du contrat de prévoyance décès souscrit par son employeur. Cependant, la couverture du risque décès avait été souscrite en janvier 2003 auprès d’une compagnie d’assurance A, tandis que les garanties incapacité de travail et invalidité avaient été contractées auprès d’un autre assureur, noté comme assureur B. En janvier 2013, l’assureur A avait résilié le contrat, amenant l’employeur à souscrire un nouveau contrat avec une assurance C, couvrant les risques décès, incapacité de travail et invalidité. Cependant, ni l’assureur A ni l’assureur C n’ont accepté de prendre en charge le décès.

Les ayants droit, contestant cette décision, ont saisi le tribunal judiciaire. Celui-ci a condamné l’assureur C à couvrir le décès du salarié.

En appel, l’assureur C a argué que l’arrêt de travail initial du salarié avait débuté le 10 juin 2011, soit avant la date d’effet du contrat de prévoyance souscrit auprès de lui. Selon lui, l’article 7-1 de la loi Évin qui concerne le maintien des garanties décès devait s’appliquer au premier assureur, à savoir l’assureur A. La cour d’appel a ainsi condamné l’assureur A à maintenir la garantie décès du salarié décédé.

Cependant, l’assureur A a décidé de se pourvoir en cassation, contestant que le maintien de la garantie décès s’applique dans cette situation. Il a avancé que cette disposition était subordonnée à la prise en charge des risques incapacité et invalidité dans le même contrat ou dans plusieurs contrats. Il a plaidé que le contrat qu’il avait souscrit ne garantissait pas ces risques.

La Cour de cassation (Cass. 2ème, civ., 21 septembre 2023, 21-22.197), pour résoudre ce litige complexe, a rappelé la règle de droit applicable. Selon l’article 7-1, alinéa 1er de la loi Évin, lorsqu’une couverture collective comprend les risques décès, incapacité de travail et invalidité, la garantie décès doit inclure une clause de maintien en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité. La résiliation ou le non-renouvellement du contrat sont sans effet sur les prestations à naître au titre du maintien de garantie en cas de décès survenant avant le terme de la période d’incapacité de travail ou d’invalidité telle que définie dans le contrat couvrant le risque décès.

La Cour de cassation en a conclu que la garantie décès ne peut être suspendue en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité du salarié, et que la résiliation du contrat collectif de prévoyance est sans effet sur le maintien de cette garantie lorsque le décès survient alors que le salarié se trouve en incapacité de travail ou en invalidité.

Ainsi, le maintien de la garantie décès, qui possède un caractère autonome, s’impose à l’assureur, même lorsque les garanties incapacité de travail et invalidité ont été souscrites par l’employeur auprès d’un autre assureur. En conséquence, la Cour de cassation a confirmé que l’assureur A était tenu de prendre en charge les conséquences du décès au titre du contrat de prévoyance souscrit par l’employeur, car le salarié était en incapacité de travail avant la résiliation du premier contrat d’assurance et jusqu’à son décès.

Ce cas illustre l’importance de la Loi Évin dans la protection des droits des assurés en France, en garantissant le maintien de la garantie décès, même en cas de résiliation du contrat collectif de prévoyance. Cette disposition vise à assurer une certaine sécurité financière aux bénéficiaires en cas de décès prématuré du souscripteur, tout en préservant les droits acquis par le passé. Elle montre également que les dispositions légales ont un caractère impératif, et les assureurs sont tenus de les respecter, même si les garanties sont souscrites auprès de différentes compagnies. Cela souligne l’importance de bien comprendre ses droits et de faire valoir les clauses de maintien de garantie en cas de besoin.

Maître Nicolas ROBINE, Avocat et Docteur en Droit, vous accompagne et vous conseille dans vos litiges avec la Sécurité sociale ou les organismes de prévoyance !