Longtemps source de confusion et de contentieux, le régime des congés payés interrompus par un arrêt maladie vient de connaître un bouleversement fondamental en France. Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a rendu une décision historique qui réécrit les règles établies par le Code du travail, s’alignant sur le droit de l’Union européenne. Que devez-vous savoir sur ce nouveau droit au report ? Me Nicolas ROBINE vous explique.
Le Droit Français Face à la Maladie en Période de Congés : Une Évolution Nécéssaire
La Règle Traditionnelle du Code du Travail : Une Distinction Cruciale
Jusqu’à très récemment, le Code du travail français opérait une distinction claire selon le moment de la survenue de la maladie par rapport aux congés payés:
- Arrêt maladie avant les congés : Si un salarié tombait malade avant le début de sa période de congés et était toujours en arrêt au moment de son départ, ses congés étaient reportés. Ils n’étaient pas perdus et pouvaient être pris ultérieurement à son retour d’arrêt.
- Arrêt maladie pendant les congés : En revanche, si la maladie survenait pendant les congés, le Code du travail ne prévoyait aucun report. Les jours de congés étaient alors considérés comme pris, même si le salarié était contraint de se reposer pour cause de maladie.
Certaines conventions collectives ou accords d’entreprise pouvaient déroger à cette règle en imposant un report, comme c’est le cas pour la convention collective des Établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
L’Influence Déterminante du Droit de l’Union Européenne
Depuis 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait une position constante sur ce sujet : un salarié tombant malade pendant ses congés payés doit impérativement bénéficier d’un droit au report. La CJUE fonde cette interprétation sur la différence de finalités entre :
- Le droit aux congés payés, destiné au repos et à la détente.
- Le droit aux congés de maladie, qui vise le rétablissement d’une incapacité de travail.
La Commission européenne a d’ailleurs accentué la pression sur la France par une lettre de mise en demeure le 18 juin 2025, soulignant un manquement aux règles de l’Union européenne sur le temps de travail et exigeant une mise en conformité sous deux mois. Sans réponse satisfaisante, une saisine de la CJUE était à craindre, avec une forte probabilité de lourde condamnation pour la France.
Le Revirement Historique de la Cour de Cassation : Une Nouvelle Ère pour le Droit au Report des Congés
Jusqu’alors, la Cour de cassation française s’alignait sur le législateur national, considérant que l’arrêt maladie survenant pendant les congés ne les suspendait pas. Cependant, face à la contradiction manifeste avec le droit européen, la Haute juridiction a opéré un revirement majeur.
Par un arrêt inédit rendu le 10 septembre 2025 (n° 23-22.732), la Cour de cassation consacre, pour la première fois, le droit au report des congés payés en cas de maladie. Elle affirme clairement :
« il convient de juger désormais […] que le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie. »
Cette décision confirme l’analyse européenne et valide le report des jours de congés correspondants, qui ne peuvent plus être imputés sur le solde des congés payés du salarié. Ce positionnement ferme de la Cour de cassation rend inévitable une prochaine modification du Code du travail par le législateur français pour se conformer au droit européen.
Conseils aux Employeurs et Salariés face à cette Nouvelle Jurisprudence
Dans l’attente de la loi, cette nouvelle jurisprudence a des implications immédiates :
- Pour les salariés : Si vous êtes confronté à un arrêt maladie pendant vos congés payés, il est fortement conseillé de notifier rapidement votre employeur de votre arrêt et de formuler une demande de report des jours de congés concernés.
- Pour les entreprises : Il est désormais vivement recommandé de reporter d’office les congés payés du salarié placé en arrêt maladie pendant cette période. La Direction Générale du Travail préconise d’ailleurs cette approche. Le risque de condamnation en cas de contentieux est aujourd’hui quasi inévitable.
Me Nicolas ROBINE, Avocat en droit du travail à Marseille, vous accompagne dans la compréhension et l’application de ces nouvelles règles. N’hésitez pas à consulter notre page dédiée au droit social pour toute question relative à cette évolution ou à d’autres aspects de la gestion du personnel.